La cara oculta de la edición | Trama Editorial

La cara oculta de la edición

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Este «Édition : l’envers amer du décor», artículo que publicó Martine Prosper en Le Monde a finales del 2008 y en el que analizaba los entresijos de la compra del segundo grupo editorial francés, Éditis, por parte de Planeta, fue el origen de su libro «La cara oculta de la edición».


Édition : l’envers amer du décor

 

Martine Prosper
Éditrice Casterman (groupe Flammarion)
Secrétaire générale du Syndicat national Livre-Édition CFDT

En ces temps de rentrée littéraire, il est d’usage de compter le nombre de nouveaux romans, de s’inquiéter de ce grand gâchis papivore et si peu « durable », de verser en passant quelques larmes sur la survie toujours plus menacée des librairies indépendantes. Le tout sous l’ombre inquiétante du grand ogre numérique, dont nul ne sait s’il parviendra à en finir avec ce bon vieux livre !
Cessons, une fois pour toutes, d’accréditer l’image héroïque que la profession aime à donner d’elle-même : celle d’une entreprise peu rentable, en un mot culturelle, toute entière vouée au service de l’humaine cogitation.  Oui, l’Édition est une activité économique stable, concentrée en groupes de taille européenne, et suffisamment profitable pour que des fonds d’investissement s’y impliquent. Qu’on en juge par ce qui vient de se passer chez Éditis, le 2e groupe français. Racheté en 2004 par le fonds Wendel pour 650 millions d’euros, il est revendu un peu plus de trois ans plus tard pour plus d’1 milliard au groupe espagnol Planeta.  Soit une très honnête plus-value de 350 millions d’euros, au bas mot ! Peu rentable, l’Édition ?
Le scandale éclate lorsque la presse révèle, qu’au passage, une poignée de dirigeants se sont partagé la coquette somme de 37 millions d’euros d’euros. Pour les 2500 salariés du groupe, qui sortent de trois ans de rigueur salariale et de stress effréné… rien, bien sûr. Philanthropes, les grands patrons d’Édition ?
Selon le système dit de LBO (Leverage Buy Out), le PDG du groupe a investi quelque 700 000 euros en 2004. Jackpot en 2008 : 11,3 millions de retour sur investissement !  Le système est légal, dit-on, et s’apparente à une sorte de pari sur la profitabilité à venir de l’entreprise. Au-delà de l’immoralité choquante de l’affaire, posons-nous la question des moyens utilisés par ce PDG pour réussir son pari.

Durant ces trois années, Éditis a mené une stratégie offensive et très concurrentielle, achetant le peu d’entreprises disponibles sur le marché (Cherche Midi, Gründ, DNL…), « cassant » les prix de la distribution pour attirer de nouveaux clients éditeurs, et pressurant au maximum sa masse salariale via des salaires au rabais et des augmentations ridicules. Mais c’est surtout l’incontestable dynamisme des entreprises du groupe qui a fait la différence et le résultat d’Éditis (+ 16 % de chiffre d’affaires en 2007). Dans l’économie du livre qui, rappelons-le, est une activité de prototype, la matière première est humaine : d’un bout à l’autre de la chaîne, ce sont des femmes et des hommes qui, de l’idée de départ à l’objet physique, du travail éditorial proprement dit aux modes de diffusion et de distribution, construisent la réalité de ce produit unique qu’est le livre. Dans ces conditions, on comprend d’autant mieux l’amertume des salariés d’Éditis : c’est bien leur travail qui a permis la plus-value de la vente de leur groupe… et l’enrichissement des dirigeants. La simple reconnaissance de cette évidence a fait l’objet d’un bras de fer de plusieurs mois, gagné par les organisations syndicales – elles obtiendront au final 1500 € pour tous, un calendrier de négociations salariales en septembre et le principe d’un intéressement au résultat du groupe.
C’est bien le même problème de reconnaissance qui fut au cœur du mouvement de grève « historique » au siège de Flammarion le 13 juin dernier. Motif du courroux : après une excellente année 2007 (+ 8,6 % de CA, + 25 % de résultat d’exploitation, + 10 % de résultat net), la direction de ce groupe racheté en 2000 par RCS (Rizzoli Corriere della Sera) a accordé une augmentation très inférieure à l‘inflation, refusant aux délégués syndicaux le principe même d’une prime d’intéressement au résultat. Et pourtant, là encore, tout le monde n’est pas logé à  la même enseigne, puisqu’une partie des dirigeants bénéficient d’une enveloppe de primes bien supérieure au total de l’augmentation générale. Déni similaire dans l’ensemble de la branche professionnelle, où le Syndicat patronal (SNE), qui représente les grandes entreprises du secteur, s’emploie depuis plusieurs années à maintenir la moitié des coefficients de la grille conventionnelle en dessous du SMIC, ce qui a pour effet de tirer l’ensemble des salaires d’embauche vers le bas, particulièrement ceux des cadres, majoritaires dans le cœur de métier. « Bac + 5 / 1280 € nets ! » ou encore « Intellos et smicard / L’avenir dans l’Édition ?! », dénonçaient les pancartes de manifestants Flammarion en colère… Argument rabâché du côté patronal : de par son prestige, le secteur n’a pas de problème de recrutement, peu d’offres d’emploi et beaucoup de demandes, alors pourquoi payer plus… Cyniques, les employeurs de l’Édition ?
« Tout le monde n’a pas vocation à créer de la valeur ajoutée », déclarait la zélée directrice de communication d’Éditis pour justifier l’invraisemblable « cagnotte » de ses dirigeants. Bel aveu, en tout cas, du mépris dans lequel sont tenus les salariés, travailleurs à domicile, indépendants, auteurs et autres petits soldats du livre, tout juste bons à servir de chaire à spéculation.
Mais tout n’est pas perdu. Car il y a encore, dans ce métier, des professionnels qui aiment ce qu’ils font, croient en l’avenir des livres et s’emploient à faire mentir les sombres prophètes. La preuve, ils ont jusqu’alors subi sans broncher petits salaires et grosse pression… Sauf qu’une ligne rouge vient d’être franchie. Une grogne sociale passagère ? Non, le début d’une prise de conscience.


Libro: La cara oculta de la edición
Autor: Martine Prosper

ISBN: 978-84-92755-55-4
Precio: 16,00€

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